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Le quiproquo historique

 

L'économie politique des Occidentaux soutient que l'intérêt propre est  le ressort de la production et justifie que la puissance de chacun soit proportionnelle à sa richesse. Pour les autres sociétés, c'est le principe de réciprocité qui est à l'origine de l'économie humaine. Plus on a le souci de l'autre, et davantage on acquiert d'autorité.

Mais si l'un donne dans l'espoir d'être reconnu comme être humain en croyant que l'autre reçoit dans une relation de réciprocité, alors qu'il  prend pour accumuler la richesse à son profit, le don de l'un et la privatisation de l'autre ajoutent leurs effets pour transférer toute la richesse matérielle en faveur de celui qui prend. C'est le quiproquo historique.

Le quiproquo historique est une cause majeure du sous-développement.

Tous les peuples dits indigènes  souhaitèrent la bienvenue aux colons comme s'ils étaient des hommes comme eux, des donateurs, des partenaires de réciprocité.
Les colons reconnurent que la dialectique du don est le moteur de l'économie non-occidentale mais ils imaginèrent que leurs hôtes ignoraient l'échange et qu'ils étaient irrationnels.

« Ils sont à un tel point dépourvus d'artifice, écrit Colomb,  et si généreux de ce qu'ils possèdent que nul ne le croirait à moins de l'avoir vu. Quoi qu'on leur demande de leurs biens, jamais ils ne disent non : bien plutôt invitent-ils la personne et lui témoignent-ils tant d'amour qu'ils lui donneraient  leur cúur.
Que ce soit une chose de valeur ou une chose de peu de prix, quel que soit l'objet qu'on leur donne alors en échange et quoi qu'il vaille, ils sont contents... jusqu'aux morceaux de cercles cassés des barils, qu'ils prenaient en donnant ce qu'ils avaient comme des bêtes brutes

Une fois le quiproquo dévoilé, la guerre s'installe, puis ce que l'on appelle la pacification religieuse : les religieux s'avancent sous le masque du don. Ils  sont adoptés comme d'authentiques chefs politiques par les indigènes.  Par exemple, dans les célèbres Réductions guarani,  les franciscains  servent de relais aux colons pour assurer la mita (l'esclavage à mi-temps) en échange des richesses qu'ils distribuent. Les jésuites, qui récusent la mita,créent un Etat dans l'Etat (les Réductions) où ils réactualisent les principes de réciprocité et de redistribution mais à leur avantage: les valeurs humaines produites par la réciprocité sont traduites dans l'imaginaire chrétien.

Voir: Dominique Temple "Le quiproquo historique", Golias,n° 31, Automne 1992.
paru aussi en espagnol : El quid-pro-quo histórico, El malentendido recíproco entre dos civilizaciones antagónicas. Aruwiyiri. Bolivia, 1997.

Et :  Dominique Temple Le Quiproquo chez les Guarani, inédit.
Le Quiproquo chez les Aztèques, inédit.

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